Webinaire Catalyse: une collaboration entre l’Université Laval et le quotidien coopératif Le Soleil. Pour des projets d’affaires responsables Jeudi 14 mai 2020 avec Maripier Tremblay et Matthias Pepin. Animé par Valérie Gaudreau, rédactrice en chef du Soleil
« Plusieurs observateurs conviennent que la crise sanitaire liée à la COVID-19 bouleverse les affaires comme on les connaît. La préparation de l’après-crise est l’occasion d’élargir la réflexion et de revoir la façon d’aborder les affaires, en y intégrant notamment des considérations sociales et environnementales. À travers ce webinaire, nous vous proposons d’explorer la matrice du projet d’affaires responsables. »
Plongeons d’emblée dans le coeur du sujet. Les projets entrepreneuriaux de notre siècle devraient prendre en compte une « triprofitabilité »: profitables au plan économique, profitables au plan environnemental et profitables au plan social. Le modèle élaboré par Matthias Pepin, Maripier Tremblay et Luc Audebrand attire l’attention par sa cohérence et sa complétude.
Évidemment, la première objection qui vient à l’esprit est la suivante: comment peut-on concilier les impératifs de ces trois objectifs? Par exemple, si on produit au Québec (motif social et environnemental), ce produit risque d’être si cher qu’il n’atteindra plus ses consommateurs. À l’inverse, si on produit à l’étranger, on a un impact environnemental plus grand, de plus, on met en péril l’industrie locale. Comment affronter de tels dilemmes? Les penseurs de l’Université Laval proposent de viser la création d’un maximum de valeur des trois types, autrement dit ne pas chercher la solution parfaite, mais la solution optimale.
Nous avons des exemples de cette conciliation avec TERO. Une jeune pousse dont nous avons déjà discuté ici qui rencontre de tels dilemmes et tente de maximiser la triple profitabilité. Souvent, des projets ambitieux se heurtent à l’impossibilité d’atteindre 100% dans tous les domaines. Ce n’est ni réaliste, ni nécessaire: encore faut-il formuler le tout adéquatement de manière à poursuivre les trois objectifs et à accompagner l’évolution de la société. Le maître mot est alors « cohérence ».
Il faut souligner que la responsabilité dans ces trois secteurs est partagée. Il n’y a pas que l’entrepreneur, mais aussi le consommateur et les parties prenantes (comme les gouvernements). Si le consommateur insiste pour payer des fruits exotiques le moins cher possible en hiver, son empreinte environnementale sera plus grande et il ne favorise pas le commerce équitable, ni l’emploi local. Que dire des voyages internationaux et du tourisme à tout crin que Barcelone ou Venise ne peuvent plus endurer, ni socialement, ni écologiquement? Donc, les consommateurs font partie de l’équation.
D’autres parties prenantes font aussi partie de l’équation: les gouvernements occidentaux n’avaient ni masques, ni test, ni blouses pour faire face à la pandémie, car tout ça est produit en Chine ou en Inde! Il convient désormais de légiférer pour assurer une certaine autonomie nationale dans des secteurs clés comme l’alimentation, la santé ou les politiques économiques et commerciales. Tout cela va à l’encontre d’une mondialisation sauvage et vers un libre-échange mieux régulé. Donc les gouvernements et la société civile ont aussi une responsabilité.
Bien d’autres chantiers devront être explorés à titre de modèles plus viables que l’économie linéaire dont découlent l’économie numérique actuelle et la dépendance aux GAFAM, comme l’économie circulaire.
Matrice du modèle d’affaires responsables:
un modèle pour les collèges?
Si nous revenons aux impacts de la crise du COVID-19, on peut dire que celle-ci représente un révélateur de nos vulnérabilités, de notre impréparation et de l’interconnexion entre les divers aspects de notre vie en société: économique, écologique et communautaire. De nouveaux problèmes se posent et l’après-pandémie devra en tenir compte, par exemple la préservation de l’environnement pour éviter la migration des virus des espèces sauvages vers l’humain ou l’autonomie alimentaire du Québec. À vrai dire : la route sera longue!
Au plan social, le confinement permanent des personnes âgées dans les CHSLD — trois fois plus au Québec qu’en Ontario, avec une population moindre! — est devenu un problème de santé publique majeur durant la pandémie, donc un révélateur de nos insuffisances sociosanitaires. Sur un autre plan, le refus de nos matières recyclées à l’étranger nous remet la responsabilité de notre recyclage dans la figure!
Plusieurs entreprises ont su se redéfinir dans le contexte de la pandémie : les restaurants qui se tournent vers la restauration mobile, les entreprises industrielles qui se mettent à produire du gel désinfectant, et cette sympathique coiffeuse qui montre à ses clients comment entretenir leur chevelure en attendant de meilleurs jours… quel gain de notoriété pour elle! Comme l’a dit Matthias Pepin, « la crise n’est pas un événement, mais un processus » et pour cette raison elle devient une opportunité de changement. Les entreprises qui sauront s’adapter pour répondre aux besoins actuels des clients survivront et muteront. Elles resteront viables. Bref, les entreprises doivent être au service de la collectivité, pas le contraire!
Il est encourageant de constater que ces valeurs de trois types sont une évidence pour les jeunes entrepreneurs, comme ceux qu’on rencontre à l’université. Ce n’est même pas spécial pour eux, car ils ont compris les enjeux. Mais cela suppose que nous changions nos indicateurs de performance: ce ne peut plus être seulement le PIB!
Valérie Gaudreau, rédactrice en chef, Le Soleil
Animé avec brio par la rédactrice en chef de la coopérative d’information Le Soleil, une entreprise d’information qui fait preuve d’une résilience remarquable à Québec, le webinaire « Pour des projets d’affaires responsables » était plus qu’intéressant: les explications claires et vives de Matthias Pepin et Maripier Tremblay, leur enthousiasme communicatif et leur détermination nous amènent à penser que le changement requis est encore possible. Il faut seulement s’y mettre.
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