Chers collègues,
Mon cinquième mandat à la coordination du PEEC se terminera le 31 mars 2021. Tel que prévu au départ, je ne le renouvellerai pas. L’équipe du PEEC a été très performante et agile, les répondants entrepreneuriaux des collèges ont participé de manière enthousiaste – malgré que l’entrepreneuriat occupe souvent une portion congrue de leur tâche – les directions des collèges membres, débordées de travail, ont trouvé le temps de nous écouter et de nous soutenir, de même qu’à la fin le ministère de l’Enseignement supérieur et surtout le Réseau des cégeps et collèges francophones du Canada (RCCFC). De nombreux partenaires nous ont fait confiance et ont collaboré avec nous. Bref, c’est le travail d’équipe, la concertation et le réseautage qui sont les bases de ce succès, car c’en est bien un.
Mon implication dans le PEEC a été une source d’inspiration et d’enthousiasme pendant toutes ces années. Malgré les obstacles, les difficultés, les défis, tout me confirme aujourd’hui la justesse du diagnostic que nous posions il y a plusieurs années : le réseau collégial est un peu passé à côté d’un de ses fleurons, l’entrepreneuriat éducatif. Pourtant présent dès l’origine, comme Paul-Arthur Fortin nous l’a montré – lui qui l’avait inscrit dans la mission du cégep de Jonquière dès sa fondation – l’éducation entrepreneuriale n’a jamais occupé la place qui aurait dû être la sienne, malgré le fait que le développement social et économique régional soit une partie intégrante de la mission des cégeps.
Pendant les cinquante dernières années, le dossier éducatif entrepreneurial – bien que très dynamique – s’est buté à de nombreux obstacles: préjugés, isolement des professeurs volontaires qui soutenaient à bout de bras les clubs d’entrepreneurs étudiants, critiques mal informées, rares initiatives des affaires étudiantes qui l’assimilent parfois à un « loisir » comme un autre, manque de concertation interne et externe, parfois indifférence des directions et du ministère, absence de vision en ce qui concerne la rétention des diplômés en région. Dans certains collèges, on se demande comment les cégeps peuvent contribuer à résoudre les problèmes de la relève et de l’innovation entrepreneuriales. L’entrepreneuriat éducatif au collégial a été ballotté depuis le début entre périodes fastes (lire: subventions ministérielles) et périodes de disette profonde. En 2012, nous constations que l’entrepreneuriat éducatif avait bonne cote et qu’il était très largement soutenu au primaire et au secondaire, produisant de remarquables réalisations, mais qu’au collégial c’était au petit bonheur la chance!
Avec mes collègues de 12 collèges, nous nous sommes retroussé les manches et nous sommes passés à l’action en 2016 en créant le Projet d’éducation entrepreneuriale au collège, le PEEC, un projet destiné à solidifier le dossier, à donner une voix à ses artisans et à professionnaliser l’intervention. Je ne reviendrai pas sur l’histoire de ce mouvement, mais je soulignerai que ce fut toujours une aventure collective où des centaines de personne se sont impliquées. Avec la création de l’OBNL en 2018, le PEEC est devenu un acteur sérieux et respecté, bien que le milieu de l’éducation entrepreneuriale soit resté un parent pauvre tant dans le milieu collégial qu’au sein de l’écosystème entrepreneurial qui soutient les jeunes, et moins jeunes, entrepreneurs – malgré de magnifiques réalisations locales dont ce site est le reflet. Arrivé tard, dans une période de restrictions budgétaires, puis de pandémie, parmi de nombreux organismes satellites du réseau, le PEEC a surtout vécu grâce à l’engagement des collèges eux-mêmes. Aujourd’hui, nos réalisations sont nombreuses et remarquées et celles des répondants entrepreneuriaux encore plus, bien que peu nombreux soient ceux et celles qui bénéficient de plus de trois jours par semaine à y consacrer.
Quelle est la situation maintenant? 29 collèges membres, plus de 35 répondants entrepreneuriaux, des centaines de collaborateurs, une équipe soudée et créative, des dizaines de rencontres par année, quatre événements récurrents, 475 articles publiés sur le site web et de nombreuses ressources, une populaire Infolettre, une chaîne YouTube dotée de 45 vidéos de qualité. Pas mal en moins de cinq ans!
Il reste cependant de nombreux défis à relever : pendant la pandémie, quelques collèges membres ont cessé de soutenir l’entrepreneuriat éducatif, car d’autres défis pressants se présentent, comme chacun peut le voir. Les collèges qui souhaitaient se joindre au mouvement sont dans l’expectative. Les organismes subventionnaires sont circonspects ou cherchent des résultats à court terme, en privilégiant les concours et les actions visibles du public. Ce n’est pas ce qui permettra au mouvement collégial en entrepreneuriat éducatif de se consolider et de se développer. Il faudra une vision claire et un soutien solide pour les collèges impliqués.
En remerciant tous mes collaborateurs et collaboratrices des dernières années, les participants à nos activités, les organismes partenaires et les entrepreneurs qui nous ont aidés, je laisse ces défis à ma succession, tout en éprouvant une immense gratitude pour la chance qui m’a été donnée d’œuvrer parmi vous. Ce milieu est d’un dynamisme frappant, car les entrepreneurs, les apprentis et les intervenants de ce milieu sont créatifs, proactifs, responsables, conscients de leur environnement et capables de prendre des risques : d’échouer et de se relever, de réussir et de se relancer. Voilà ce dont doit être fait le Québec demain.
En espérant que les graines que nous avons semées soient fertiles, sachez que je vous recroiserai avec grand plaisir!
Raymond-Robert Tremblay