C. Un programme structuré d’encouragement à l’esprit d’entreprendre
Maintenant nous en venons au cœur de l’activité entrepreneuriale éducative des collèges. Évidemment, les activités offertes aux élèves et aux adultes en formation constituent la principale contribution à l’efficacité de l’action des collèges en matière d’entrepreneuriat éducatif. Nous regroupons ces activités multiples en quatre catégories:
- sensibilisation,
- exploration et découverte,
- formation,
- soutien.
9. Des activités de sensibilisation visant le plus grand nombre
La sensibilisation se définit comme un ensemble d’activités visant le plus grand nombre, afin d’éveiller leur intérêt envers l’entrepreneuriat. Il est le premier pas du développement de l’esprit d’entreprendre. Conférences de prestiges, ateliers d’éveil, visites d’espaces de coworking, etc. Ces activités sont le fondement et assurent le renouvellement des effectifs dans les projets et les clubs entrepreneuriaux.
On peut affirmer que la plupart des collèges participent à la « Global Entrepreneurship Week » sous diverses formes. La plus impressionnante est certainement l’eWeek du collège Dawson qui présente une quarantaine d’activités en quatre jours et sensibilise près de 2500 participants ! À une échelle plus modeste, la plupart des cégeps organisent au moins une journée centrée sur l’innovation, le social, la créativité, la prise d’initiative pour résoudre des problèmes, etc.
Il est intéressant de noter que cette clé est semblable au premier « levier d’intervention » d’OSEntreprendre: la sensibilisation ou l’élève est témoin de l’entrepreneuriat.
10. Des activités d’exploration et de découverte comme un club d’entrepreneurs étudiants ou un parcours entrepreneurial
Le second stade des activités entrepreneuriales d’un collège, s’adresse à des personnes qui manifestent déjà un intérêt. Il est notable qu’il s’agisse de personnes qui souhaitent « devenir leur propre patron », innover et travailler en équipe, mais qui savent aussi avoir besoin de développer leurs compétences. Une série d’ateliers, un club d’entrepreneurs, une école entreprise sont de bons moyens de susciter un engagement modéré, tout en alimentant la curiosité et l’attrait des activités entrepreneuriales. En fait, en assumant plus de responsabilités, la confiance se construit et les apprentissages se font tout naturellement et dans le partage.
Afin de les encourager, il est notable que plusieurs collèges participent à divers concours ou d’autres événements de promotion et de reconnaissance – «Startup Weekend», «Innovation48», concours divers – et nous devons metionner ici l’action de l‘Association des clubs entrepreneurs étudiants (ACEE) et son congrès annuel, et le fameux Défi OSEntreprendre, sans compter les compétitions de «Pitch» et autres «GameJam48». Ces événements occupent beaucoup de place, car ils permettent mobilisation, reconnaissance et affirmation de soi.
Le Collège John-Abbott dispose d’un Sandbox : « The Sandbox is a student-centric innovation and entrepreneurship hub at John Abbott College. Our mission is to engage students from all disciplines in a problem-solving process for real-world problems where students participate in non-credit activities, developing their own projects and gain experience. » La notion de « carré de sable » consiste à offrir un lieu d’expérimentation sécuritaire, où la créativité est à l’honneur. Souvent structurés par les canevas de modèle d’affaires, Business Model Canvas, ces projets sont centrés sur les élèves qui peuvent ainsi se familiariser avec les diverses étapes et composantes d’un projet entrepreneurial.
Il est intéressant de noter que cette clé inclut les trois derniers « leviers d’intervention» d’OSEntreprendre: l’expérimentation, où l’élève réalise un projet entrepreneurial, le rayonnement, où l’implication de l’élève est mise en lumière, et l’affirmation où l’élève affirme ses qualités entrepreneuriales.
11. Une pédagogie entrepreneuriale et des activités de formation comme un cours complémentaire, un programme d’attestation d’études collégiales en entrepreneuriat ou des ateliers de formation sur mesure
Il arrive un moment où l’intérêt pour l’entrepreneuriat se consolide et où la personne envisage sérieusement de développer un projet concret. Le développement des compétences peut alors prendre une forme plus complète et structurée. Certaines activités sont plus traditionnelles, mais la tendance à la pédagogie inversée et à d’autres formes d’innovation pédagogique, comme la pédagogie entrepreneuriale, est très marquée, car l’entrepreneuriat éducatif implique un apprentissage par le concret qui correspond aussi au style d’apprentissage de la plupart des personnes qui s’y inscrivent, avec évidemment bien des variations d’attentes et d’intérêts particuliers.
Le cégep de Trois-Rivières, met en oeuvre la pédagogie active, inversée et entrepreneuriale dans le cadre de son programme d’AEC en démarrage d’entreprises. Les étudiants sont des entrepreneurs confirmés ou en devenir, avec un projet réel qu’ils voudraient mettre en oeuvre. Ils sont appelés à expérimenter tous les aspects théoriques du cours en travaillant exclusivement sur leur projet, durant tout le programme. Cette façon d’enseigner permet aux étudiants-entrepreneurs d’appliquer les connaissances et les compétences immédiatement à travers la réalisation de projets concrets.
Le Collège Dawson offre, conjointement avec le Cégep du Vieux-Montréal, une AEC innovatrice intitulée Venture Creation in the Creative and Cultural Industries Program / Création d’entreprises dans le secteur des industries créatives et culturelles (RNA.07). Ce genre de formation se déroule dans un environnement où la créativité est à l’honneur et grâce auquel chacun peut travailler sur son propre projet. Pour comprendre ces principes il peut être intéressant de revoir la conférence de Jean-David Rezaioff, chargé de cours en entrepreneuriat dans plusieurs cégeps: les cinq audaces!
12. Des activités de soutien aux jeunes entreprises: mentorat, codéveloppement, tutorat, coaching, accélération, etc.
Aux États-Unis et dans le Canada anglais, il n’est pas rare que les collèges offrent un service d’incubation aux étudiants-entrepreneurs. Ce phénomène existe aussi en France, par exemple à l’université de Lorraine. Au Québec, il faut admettre que nous n’y sommes pas encore, d’autant que les incubateurs et autres espaces de coworking, qui foisonnent actuellement un peu partout, appartiennent à des organismes indépendants des collèges.
Par contre, entre la formation et l’incubation, il existe un espace peu occupé où les cégeps retrouvent toute leur pertinence et peuvent contribuer pleinement en répondant à de réels besoins. Cet espace est un espace de soutien aux entrepreneurs naissants (les deux premières années) et de consolidation des entrepreneurs confirmés. D’ailleurs la plupart des cégeps disposent de services aux entreprises. C’est au sein de ces services que peuvent se loger les services aux jeunes entreprises, fondés sur l’accompagnement et la formation en temps réel, par l’échange et la pratique.
Le cégep de Trois-Rivières se démarque par l’offre de service impressionnante dispensée par sa Zone entrepreneuriale qui s’adresse aux entrepreneurs, aux étudiants et aux enseignants: mentorat, entrepreneurs propulsés, programme de formation crédité – Démarrage et gestion de son entreprise, offert en classe ou en ligne – entreprise-école, ateliers pour entrepreneurs, codéveloppement, etc.
Conclusion de la série
L’énonciation de toutes ces clés peut paraître intimidante, surtout pour un collège qui commence à s’intéresser à l’entrepreneuriat éducatif. Il ne faudrait pas. Ce sont des clés, pas des préceptes ou des solutions magiques! De fait, je ne crois pas qu’il existe un seul cégep qui corresponde à un tel idéal. Ce n’est justement pas un portrait idéal, mais un guide. L’utilisation de 4 ou 5 clés, ou facteurs de succès, représente probablement la situation la plus fréquente.
Certains collèges sont plus avancés que d’autres, mais ça leur a pris des années pour y arriver. Il y a des contextes plus ou moins favorables, des avancées et des reculs. Il ne convient pas de chercher à incarner un idéal inaccessible, mais il faut avancer, car l’approche entrepreneuriale correspond aux besoins des jeunes et de la société contemporaine. Elle incarne la pédagogie active et s’adapte aux contextes nouveaux de résolution de problèmes écologiques, sociaux et technologiques.
La contribution au développement socioéconomique des régions fait partie de la mission des cégeps. C’est pourquoi une simple avancée en direction d’une stimulation de l’entrepreneuriat par l’embauche d’un répondant, l’implantation d’une activité ou l’énoncé d’un objectif, sont déjà une contribution appréciable à cette mission.