Il y a des gens qui croient encore qu’on peut changer le monde, un projet à la fois. Ce sont les entrepreneurs sociaux. Non seulement ils y croient, mais ils passent aussi à l’action. Voici sous quelles formes.
D’abord, définissons ce qu’est l’entrepreneuriat social. N’y a-t-il pas contradiction dans les termes? Plusieurs le pensent, tellement nous sommes habitués à identifier l’entrepreneuriat au profit personnel, voire à l’exploitation du travail des autres. Explication de Michel Venne, le directeur général du célèbre Institut du Nouveau Monde (INM) : «Un entrepreneur social apporte des solutions innovantes à des problèmes sociaux pressants. On trouve des entrepreneurs sociaux non seulement au sein d’entreprises collectives, mais aussi parmi les PME à capital action et les travailleurs autonomes.»
Élizabeth Araujo sait de quoi elle parle en ce qui concerne l’entrepreneuriat social, puisqu’elle y contribue depuis 15 ans. De ses implications en Afrique à son travail chez Ashoka, elle a toujours pensé qu’on peut en effet changer le monde grâce à l’entrepreneuriat social. Lors de son passage au cégep Dawson, le 14 novembre dernier, elle explique qu’une entreprise sociale est d’abord une entreprise, mais qui utilise l’argent qu’elle génère pour faire le bien en luttant contre la pauvreté ou en faveur d’un environnement plus sain. Les entreprises sociales génèrent des profits, mais ceux-ci sont réinvestis dans la communauté dans un but socialement profitable. Bref leur mission sociale est au cœur du modèle d’affaires de ces entreprises.
L’Esplanade, à Montréal, est un espace de coworking particulier puisqu’il réunit une communauté d’entrepreneurs dédiés à l’innovation sociale. Ainsi s’exprime son directeur, Samuel Gervais : «Esplanade est un lieu physique, mais c’est aussi une communauté d’entrepreneurs et de citoyens passionnés et dédiés à l’entrepreneuriat social. Les premiers locataires qui occuperont l’espace de travail collaboratif sont entre autres Maillon Vert, une entreprise qui promeut un virage écoresponsable chez les pharmacies, Projektae, une entreprise faisant la promotion de l’innovation sociale et solidaire, Zebrea, un média des solidarités créatives, et un cabinet juridique spécialisé en développement durable Côté Droit.»
La présentation d'Elizabeth Araujo sur la différence entre l'entrepreneuriat social et l'entrepreneuriat en vue d'un profit privé
Cette expérience innovante a intéressé le Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CERSÉ) du collège Rosemont, qui y a consacré une étude. Ce centre collégial de transfert technologique en pratiques sociales novatrices (CCTT-PSN) est d’ailleurs entièrement consacré à «contribuer de manière significative à l’amélioration de la qualité du milieu de vie dans une perspective de développement durable». Il combine donc un objectif social et un objectif environnemental.
Comme l’affirme à nouveau Samuel Gervais «Le projet de l’entrepreneuriat social consiste à s’attaquer à un défi social, environnemental ou économique en proposant une solution ou un service.» C’est donc par le biais d’un investissement profitable – qui génère des revenus suffisants et crée de la valeur ajoutée – que les entreprises sociales réussissent à conjuguer leur idéalisme social avec le réalisme de l’économie capitaliste.
Madeleine Bazerghi, leader entrepreneuriale au collège Dawson, discute avec Elizabeth Araujo à la fin de sa présentation
Loin de se limiter aux milieux urbains, l’entrepreneuriat social concerne également les régions et les milieux ruraux, comme en témoignent les travaux du Centre d’initiation à la recherche et d’aide au développement durable (CIRADD), associé au cégep de la Gaspésie et des Îles. Un autre CCTT-PSN, le CIRADD compte parmi ses valeurs fondatrices la responsabilité sociale, environnementale et économique (le développement durable). Parmi leurs travaux on compte celui-ci : Innovation sociale en soutien à l’entrepreneuriat collectif féminin par le biais des savoirs traditionnels des femmes cries, qui conjugue l’étude de la question des femmes autochtones avec leurs initiatives entrepreneuriales.
Plusieurs organisations se consacrent entièrement à la promotion de l’entrepreneuriat social, à l’échelle internationale. Citons Entrepreneurs du monde dont le slogan parle de soi : «Avec presque rien on peut changer presque tout»! Mentionnons également Ashoka, qui depuis 35 ans «…a identifié, soutenu et fait grandir plus de 3 300 entrepreneurs sociaux, apportant des solutions systémiques à des problématiques sociales et environnementales dans 85 pays.» Grâce à son réseau d’entrepreneurs sociaux, cette organisation a pu acquérir une vision d’ensemble pour trouver les moyens d’accélérer le changement.
L'entrepreneuriat social: créer de la richesse et d'innover pour résoudre des problèmes socio-économiques
En outre, plusieurs établissements partout dans le monde ont développé des programmes d’entrepreneuriat social. Ce mouvement est en effet reconnu pour créer et distribuer de la richesse d’une manière responsable. Encore Michel Venne : «…il participe également à l’innovation et à la revitalisation des régions. C’est un modèle porteur qui soutient la prospérité du Québec.»
Pour le réseau collégial, et pour la jeune génération qui le fréquente, cette perspective est porteuse d’espoir, car les jeunes souhaitent souvent réussir tout en contribuant au mieux-être de leur communauté. L’entrepreneuriat social est une option viable et prometteuse en ce sens. Il offre aux plus démunis une solution digne et la fierté de contribuer par leur travail à enrichir leurs familles et leurs communautés. Par exemple, les programmes de microfinancement vont permettre à des femmes entreprenantes d’offrir des produits locaux et des services à bas prix, tout en leur permettant de sortir de la misère et de répondre aux besoins de ses proches. Cette perspective est en droite ligne avec plusieurs de valeurs enseignées dans les cours au collégial et à l’université. Certaines initiatives comportent également un élément d’innovation susceptible de résoudre des problèmes importants, comme ce projet de lampes et réchauds économes et sécuritaires distribués dans 5 pays africains par Entrepreneurs du monde.
Des projets semblables peuvent être développés aussi bien ici, dans un pays prospère qui comporte pourtant de larges secteurs défavorisés. Plutôt que de se tourner exclusivement vers l’aide de l’État, ou la charité publique, l’entrepreneuriat social offre une alternative dynamique qui exerce un attrait certain sur les étudiants, à partir du moment où elle leur est présentée.
Références
- Biographie d’Elizabeth Araujo
- Entrepreneurs du monde
- Le Centre d’initiation à la recherche et d’aide au développement durable (CIRADD)
- Le Centre d’étude en responsabilité sociale et écocitoyenneté (CERSÉ)
http://www.crosemont.qc.ca/cerse/a-propos
- «L’entrepreneuriat social: un mouvement de changement», L’esplanade
https://devenirentrepreneur.com/fr/l-entrepreneuriat-social
- Michel Venne, 2015, «Je suis entrepreneur social»
http://inm.qc.ca/blog/je-suis-entrepreneur-social/
- Isabeau Four, Olivier Corbin-Charland, France Lavoie. Entrepreneuriat social et responsabilité sociale des entreprises : le point de vue d’entrepreneurs sociaux à Montréal. RIODD 2016, Jul. 2016, Saint-Étienne, France.
- Ashoka
https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01350003/document
- Territoires innovants en économie sociale et solidaire (TIESS)
- À Go on change le monde