Une étude de Mélissa Claudie Philippe
Dans sa thèse de doctorat, Matthias Pepin (2015) passe en revue l’historique de l’entrepreneuriat dans un contexte éducatif. Selon l’auteur, cette idée n’est pas très récente. En effet, selon Katz (2003, cité dans Pepin 2015), c’est à Myles Mace qu’on attribue la paternité du premier cours d’entrepreneuriat au niveau post-secondaire, vers la fin des années 1940, à l’Université Harvard. L’auteur poursuit, en ajoutant qu’au niveau du primaire et du secondaire, le Royaume-Uni est souvent considéré comme le pionnier. Dès la fin des années 1970, la Durham University Business School, introduit l’entrepreneuriat dans les salles de classe.
Les origines anglo-saxonnes de l’éducation entrepreneuriale
Pepin (2015) laisse voir qu’à ses débuts, les actions menées visaient la préparation des élèves pour la vie active, à travers une éducation à caractère vocationnel, afin de diminuer le fossé entre éducation et le monde de l’entreprise (Deuchar, 2007; Hitty, 2008), relier le monde scolaire aux besoins de l’industrie (Crompton, 1987; Jamieson, 1984), contrer un taux de chômage endémique chez les jeunes et lutter contre un climat défavorable à l’entreprise (Greene, 2002).
Selon Pepin (2015), l’éducation entrepreneuriale a été introduite au Québec en 1967 sous l’appellation Jeunes entreprises du Québec. L’auteur poursuit, sans prétendre à l’exhaustivité, en ajoutant qu’aujourd’hui, elle se manifeste sous diverses initiatives contemporaines incluant la présence du Réseau québécois des écoles entrepreneuriales et environnementales, le programme Lancement d’une entreprise dispensé par les Centres de formation professionnelle, des programmes de type Entrepreneuriat-études ou Profil entrepreneuriat, les entreprises-écoles, des programmes, d’initiation au développement de plans d’affaires fictifs ou réels, le programme Jeune COOP, le Concours québécois en entrepreneuriat, etc.
L’éducation entrepreneuriale, de nos jours, s’inscrit non seulement dans un contexte historique pertinent, mais également dans un contexte social et économique qui permet de l’insérer facilement dans les programmes scolaires.
L’éducation entrepreneuriale: 2 perspectives complémentaires
Pepin (2015) présente une analyse du mouvement de l’éducation entrepreneuriale en 2 volets. Selon son étude, à travers bon nombre d’initiatives d’éducation entrepreneuriale mises sur pied, 2 processus différents peuvent être mis en évidence :
- La transmission du savoir. Enseigner l’entrepreneuriat, en tant que discipline, suppose l’introduction de connaissances nouvelles dans un programme. Ce processus met en avant le passage d’un savoir savant bâti autour d’un champ théorique. L’éducation entrepreneuriale, en tant qu’objet d’enseignement vise le développement de l’esprit d’entreprise, en enseignant des disciplines entrepreneuriales et en réalisant des activités et des projets entrepreneuriaux (projet qui amène les élèves à produire un bien, un service ou un événement novateur et qui a une valeur pour le milieu par le fait qu’il répond à un besoin).
- Le développement de qualités entrepreneuriales. Aucun savoir explicite n’est enseigné explicitement vu que l’éducation entrepreneuriale est utilisée comme un outil d’apprentissage, dans la perspective du développement des compétences, des attitudes et des valeurs entrepreneuriales, c’est-à-dire à l’éclosion de qualités personnelles utiles à la pleine réalisation de soi. Kearney et Surlemont (2009) nomment cette démarche la pédagogie entrepreneuriale, qui consiste à placer l’étudiant au coeur d’un apprentissage actif.
L’enseignement formelle de l’entrepreneuriat est une formule très utilisée pour développer l’esprit d’entreprise des étudiants du collégial. Les savoirs codifiés dans les curriculums permettent aux étudiants de développer des connaissances et des compétences dans le domaine de l’entrepreneuriat. Plusieurs des cégeps membres du PEEC, offrent des AEC en entrepreneuriat et un profil de sortie de DEC en gestion de commerces. Les compétences visées par ces programmes consistent généralement en un rehaussement de la capacité des étudiants à développer un projet d’entreprise, de le mener à terme et d’en assurer la gestion. Ces qualités se situent surtout au niveau du savoir et du savoir-faire.
La pédagogie associée à l’éducation entrepreneuriale s’attarde surtout au développement du savoir-être de l’apprenant. Plusieurs activités peuvent permettre l’atteinte de cet objectif. À travers des projets et d’activités entrepreneuriaux, les étudiants peuvent être plongés dans la réalité du processus entrepreneuriale. Ces formes d’entraînement permettent de développer des comportements et des réflexes collectifs, propres aux entrepreneurs et utiles pour s’entreprendre soi-même.
Ces deux visions permettent d’envisager une approche éducative holistique de l’entrepreneuriat, en ce sens que, combinées, elles permettent de développer des apprenants qui détiennent des savoirs savants sur l’entrepreneuriat et les disciplines connexes, qui démontrent des attitudes et des valeurs entrepreneuriales et qui agissent conformément à ces savoirs et savoir-êtres.
Références
- Crompton, K. (1987). A curriculum for enterprise: pedagogy or propaganda? School Leadership & Management.
- Deuchar, R. (2007). Citizenship, enterprise and learning. Harmonising competing educational agendas. Trent: Trentham Books.
- Greene, F. J. (2002). An investigation into enterprise support for younger people, 1975- 2000. International Small Business Journal.
- Jamieson, I. (1984). Schools and enterprise. In A. G. Watts & P. Moran (Eds.). Education for enterprise (p. 19-27). Cambridge: CRAC/Hobsons.
- Hitty, U. (2008). Enterprise education in different cultural settings and at different school levels. In A. Fayolle & P. Kyrö (Eds.). The dynamics between entrepreneurship, environment and education (p. 131-148). Northampton, MA: Edward Elgar Publishing.
- Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS). (2008). Mesure de sensibilisation à l’entrepreneuriat à l’intention des élèves du primaire, du secondaire, de la formation générale des adultes et de la formation professionnelle, préuniversitaire et technique. Québec : Gouvernement du Québec.
- Pepin, M. (2015). Apprendre à s’entreprendre en milieu scolaire Une étude de cas collaborative à l’école primaire (thèse de doctorat, Université Laval, Canada).
- Surlemont, B., & Kearney, P. (2009). Pédagogie et esprit d’entreprendre. Bruxelles : de Boeck.