Vous vous souvenez d’un enseignant qui a joué un rôle important dans votre choix de carrière? Monsieur Marco Roy, enseignant en Techniques de comptabilité et de gestion au Cégep Beauce-Appalaches (CBA) à Saint-Georges fait certainement partie de ces enseignants qui inspirent des étudiants à démarrer leur entreprise. En fait, tous les étudiants qui ont eu Marco Roy comme enseignant ont réellement démarré une entreprise au cégep… et certains sont toujours des entrepreneurs!
Les débuts
Il y a 20 ans, monsieur Roy donnait le cours « Démarrage d’entreprise ». Aujourd’hui, en 2017, à quatre ans de sa retraite, il l’enseigne d’ailleurs toujours et avec autant de passion. Au départ, l’objectif principal de ce cours était la rédaction d’un plan d’affaires. Un plan d’affaires est un outil essentiel pour planifier le démarrage de son entreprise. Ce document permet entre autres au promoteur (ou à l’étudiant) de réfléchir à la mission de son entreprise, à la concurrence, à la publicité et aux prévisions financières. Cependant, la rédaction d’un plan d’affaires ne permet pas de vivre l’expérience concrète de démarrer une entreprise, de développer des produits, de contacter des fournisseurs et des clients potentiels, de négocier, d’apprendre à vendre ses produits, etc.
Monsieur Roy, qui souhaitait faire vivre cette expérience aux étudiants, interpella l’organisme Jeunes Entreprises (J.E.) du Québec, un organisme qui coordonne un programme de démarrage d’entreprises dans un cadre parascolaire, afin de valider la possibilité d’adapter et d’intégrer ce programme dans des cours de formation collégiale. Cela a fonctionné… et fonctionne depuis maintenant 20 ans! Selon les informations obtenues, le Cégep Beauce-Appalaches serait le seul cégep à avoir intégré le programme JE à l’intérieur de son parcours académique. Le projet est réalisé sur une période de huit mois, soit deux sessions, par l’intermédiaire des cours « Démarrage d’une entreprise » et « Gestion de projet ».
L’expérience
Ainsi, chaque année, depuis 1997, les étudiants de 3e année du programme de Techniques de comptabilité et de gestion doivent démarrer une entreprise.
- Première étape : décider avec qui ils démarreront leur entreprise, car il ne s’agit pas d’entreprises individuelles, mais bien d’entreprises regroupant de 5 à 8 étudiants environ. C’est donc un défi supplémentaire, car ils devront se concerter à chacune des décisions à prendre. Ils doivent aussi décider qui sera le président ou la présidente. Tous les autres membres seront des vice-présidents (finances, production, marketing, etc.) Le développement de compétences entrepreneuriales est au cœur de la démarche : créativité, esprit d’équipe, responsabilités, persévérance, proactivité et ténacité ne sont que quelques-unes des compétences qu’ils développeront ou consolideront au cours de l’expérience.
- Deuxième étape : les étudiants doivent se créer un capital de démarrage. L’obtention de ce capital se fait par le biais d’une activité de financement, définie et organisée par les entreprises étudiantes. Les étudiants vendent ensuite des friandises d’Halloween pour augmenter leur encaisse et afin d’avoir assez de fonds pour mettre en marché leur produit de Noël, dont le prix varie généralement entre 15 $ et 25 $. En débutant avec des produits moins dispendieux (friandises), les jeunes prennent de l’expérience et poursuivent ensuite par la vente de produits plus onéreux.
Les étudiants traversent toutes les étapes de vie d’une entreprise et apprennent à faire de nombreuses tâches : développement de produits, approvisionnement, gestion des stocks, promotion, vente, comptabilité, etc. À la fin de l’année, ils doivent dissoudre leur entreprise puisque c’est une entreprise étudiante qui disparaît en même temps que le statut d’étudiant… Mais l’expérience demeurera en eux pour bien longtemps!
Des chiffres, en 20 ans …
- Près de 500 étudiants ont démarré une entreprise étudiante au CBA entre 1997 et 2017 dans le cadre du cours « Démarrage d’entreprise »;
- 56 entreprises ont été créées;
- 30 567,45 $ est le plus gros chiffre d’affaires réalisé à ce jour… et record à battre!
Une expérience formatrice
Le cours de démarrage d’entreprise a confirmé à certains étudiants que leur avenir passerait par la création d’une entreprise. Jérôme Poulin, propriétaire de JP Réseaux sociaux à Lac-Drolet depuis trois ans, fut président de l’entreprise étudiante Précieux moments en 2003-2004. Pour lui, le cours de démarrage d’entreprise est l’un des cours marquants de son passage au cégep, cours qui lui a d’ailleurs donné le goût de poursuivre un baccalauréat en administration, concentration entrepreneuriat à l’UQAR par la suite.
« J’ai toujours su qu’un jour je lancerais mon entreprise. J’ai appris énormément en démarrant la mini-entreprise, ça nous permettait de mettre en pratique ce que nous apprenions, c’était très formateur ». Monsieur Poulin mentionne aussi que de travailler en groupe, ils étaient cinq étudiants, fut un défi et que cela lui a permis d’apprendre à gérer des conflits : « Encore aujourd’hui, l’expérience que j’ai acquise avec la mini-entreprise m’aide à conseiller mes clients lorsqu’il y a des conflits dans leur propre entreprise ».
De son côté, Amélie St-Hilaire, fut copropriétaire de la mini-entreprise DouZinstemps en 2005-2006. Elle est aujourd’hui propriétaire d’immeubles à revenus, du Restaurant Chez Gérard et du Café shop à Saint-Georges. Elle mentionne que d’avoir vécu l’expérience de développer une mini-entreprise lui a permis d’apprendre à travailler en équipe.
« L’élément le plus important que je retiens de mon expérience de démarrage d’une mini-entreprise, c’est vraiment d’avoir appris à travailler en équipe, d’avoir appris à travailler avec des personnalités différentes. Le tempérament des étudiants ressortait rapidement, on voyait qui était plus fonceur, plus travaillant ou plus géné. Toute notre vie, nous aurons à travailler avec des personnes qui sont différentes de nous et c’est important d’apprendre à y faire face le plus tôt possible ».
Marie-Claude Fortier, quant à elle, enseigne aux étudiants du programme de Techniques de comptabilité et de gestion au Cégep Beauce-Appalaches depuis 2005. Il y a 20 ans, elle faisait partie de la cohorte 1997-1998, la deuxième cohorte de finissants à vivre l’expérience du démarrage d’une entreprise étudiante. Ce qu’elle en dit :
« C’est l’une des expériences les plus exigeantes que j’ai vécu au cégep, exigeante en temps, mais également en termes de relations humaines. Mais c’est certainement l’une des plus formatrices aussi! Dans ce projet, nous travaillons pendant deux sessions consécutives avec les mêmes personnes, nos valeurs sont confrontées, car on se rend compte que chacun pense différemment. J’étais présidente et je devais rencontrer les autres membres de mon entreprise individuellement chaque semaine pour m’assurer que tout se déroule bien ».
Madame Fortier a aussi donné ce cours à l’automne 2008 et à l’hiver 2009 au CBA. Elle avait adoré l’expérience et pouvait facilement comprendre les difficultés par lesquelles passaient les étudiants.
Et qu’en pensent les étudiants actuels? Alex Audet est président de la mini-entreprise Les Incontournables, une mini-entreprise composée de sept étudiants, dont trois filles et quatre garçons.
« Nous avons une rencontre hebdomadaire de quatre heures où nous faisons le point. Ensuite, nous travaillons entre 10 h et 15 h chaque semaine pour vendre nos produits, contacter des clients potentiels, faire le suivi avec nos fournisseurs, etc. Nous contactons des entreprises pour leur vendre nos produits. La semaine dernière, une entreprise a acheté des produits pour un montant dans les quatre chiffres, c’est stimulant! C’est exigeant en temps, mais c’est une expérience qui nous permet d’apprendre concrètement, rapidement, et c’est vraiment agréable ». Concernant son rôle de président, il mentionne : « C’est important de rester toujours motivé pour garder l’équipe motivée ».
L’avenir
En discutant avec monsieur Roy, on sent bien toute la fierté qu’il a de voir ses étudiants se dépasser d’année en année et tenter de battre le record du meilleur chiffre d’affaires. Chaque année, l’entreprise gagnante est couronnée lors du gala annuel qui se tient en avril, lequel est entièrement organisé par des étudiants, une autre façon de contribuer au développement de compétences entrepreneuriales.
« La réussite des entreprises étudiantes vient bien sûr des efforts déployés par les étudiants, mais c’est aussi grâce à l’implication et au soutien de tous les enseignants du département, c’est un travail d’équipe », mentionne monsieur Roy. Il ajoute : « La qualité des cours qui sont offerts tout au long du programme contribue certainement au succès de cette activité également ».
Après avoir travaillé sur ce projet porteur pendant 20 ans, l’enseignant espère bien que quelqu’un d’autre en assurera la pérennité et prendra le relais lorsque l’heure de sa retraite aura sonné.