Jean-François Ouellet mise sur le bonheur des entrepreneurs

20 septembre 2019

En janvier 2015, j’assiste pour la première fois au colloque de Femmessor, un organisme engagé dans le financement et l’accompagnement des femmes entrepreneures.  Eh oui! Je viens tout juste de quitter mon emploi de rédactrice dans une agence publicitaire très prometteuse pour me lancer en affaires. 

Source : http://www.jeanfrancoisouellet.com/livres.html

Je suis à mille lieux de ma zone de confort, moi qui, à peine deux ans plus tôt, croyais enseigner le français et la littérature au Cégep de Trois-Rivières pour les trente prochaines années…

Je suis seule et fort intimidée, sans le laisser paraître évidemment… Je ne connais rien au monde des affaires ni aucune des femmes présentes dans l’assemblée, mais dès la première conférence, j’ai la certitude qu’entreprendre est le meilleur moyen de réussir ma vie.

Innover sans inventer

Quand Jean-François Ouellet, professeur agrégé au Département d’entrepreneuriat et innovation des HEC Montréal et entrepreneur passionné, monte sur scène pour parler d’innovation, je m’attends à un discours parsemé des mots « invention », « technologie de pointe », « connectivité », « intelligence artificielle ». Or, il n’en est rien. Avec éloquence et humour, Jean-François Ouellet nous explique comment devenir des entrepreneurs remarquables, audacieux, empathiques, à l’écoute des autres et de leurs besoins

Jean-François Ouellet lors du Colloque Femmessor, sous le thème de l’innovation.
Source : L’Hebdo-Journal de Trois-Rivières, 29 janvier 2015. Reproduit avec l’aimable autorisation de L’Hebdo-Journal.

Il nous convainc que l’entrepreneuriat est la «voie royale» pour atteindre le bonheur et qu’innover est, d’abord et avant tout, la capacité d’écouter le client pour mieux le servir
Le conférencier vient à peine de prononcer son dernier mot que je me précipite à sa table pour acheter son livre, qui vient alors de paraître : Le bonheur comme plan d’affaires. Oser entreprendre pour être heureux. Il s’agit d’un ouvrage passionnant, inspirant et accessible, qui a eu sur moi un impact durable. À mon avis, tous les étudiants et intervenants en entrepreneuriat collégial gagneraient à découvrir le bonheur d’entreprendre, selon Jean-François Ouellet.

Vous l’aurez deviné à la lecture du titre, ce livre n’a rien à voir avec le plan d’affaires conventionnel. L’auteur mise non pas sur les connaissances ou les compétences des entrepreneurs, mais sur leurs attitudes et leur intelligence émotionnelle. Son intention est claire : « faire que le maximum de Québécois choisissent de prendre le taureau par les cornes et de plonger dans l’entrepreneurship – de plonger dans le bonheur, en fait.» (p. 9)

Entreprendre pour S’ÉPANOUIR

En racontant le parcours de plusieurs chefs d’entreprise qu’il a rencontrés en tant qu’animateur de l’émission Générations Inc. (diffusée à V télé de 2011 à 2015), Ouellet affirme qu’il y a un réel plaisir « à se lancer en affaires pour soi ». S’appuyant sur les recherches de Melissa Cardon de la Pace University de New York, il explique que le plaisir de l’accomplissement entrepreneurial serait lié à trois éléments-clés (p. 41-43) :

  1. « L’accomplissement dans la création, l’invention, l’amélioration des produits, des processus et des services. » C’est ce qui motive le brasseur de bière à parfaire sa recette jusqu’à ce que ses papilles exaltent de joie.
  2. « L’accomplissement dans l’action de fonder des organisations ou de créer des projets ». C’est l’adrénaline du départ, celle qui stimule les entrepreneurs en série à créer à répétition de nouveaux projets d’affaires.
  3. « L’accomplissement dans la croissance et la forte rentabilité de l’entreprise. » C’est la soif intarissable qu’ont certains entrepreneurs d’étendre leur territoire, d’accroître leur chiffre d’affaires. Encore et encore et encore!  

Indépendamment ou combinés les uns aux autres, ces trois aspects de la réalisation entrepreneuriale sont une grande source de motivation et de persévérance lorsque les difficultés surviennent. La passion est également un facteur essentiel. Plus l’entrepreneur est passionné par ce qu’il fait au quotidien, plus il est heureux et enclin à consacrer les heures nécessaires au développement de son entreprise, de sa clientèle, de son réseau de partenaires. 

Bref, le sentiment d’accomplissement, la passion et la motivation sont nécessaires à l’engagement de l’entrepreneur dans son processus de croissance.

Pourrait-on transférer ce constat à la réalité étudiante? Pourquoi pas! Ouellet nous engage sur cette voie lorsqu’il affirme : «Pensez à tous ces matins où la raison tentait de vous tirer du lit – il faut que je me lève, je dois aller à mon cours ou à mon travail… – par opposition à ces matins où l’émotion et la passion vous extirpaient des draps pour [réaliser un projet emballant]». (p. 43) 

Et si, justement, la clé de l’engagement étudiant reposait sur le fait de vivre des expériences concrètes, de se responsabiliser et de collaborer avec des collègues qui partagent le même objectif. Ce sont là trois des quatre principes fondamentaux de la pédagogie entrepreneuriale que les enseignants pourraient explorer davantage pour stimuler les troupes. 

Entreprendre pour CONTRIBUER

Il est certes stimulant et gratifiant d’entreprendre pour soi. Toutefois, selon Ouellet, la véritable source du bonheur consiste à entreprendre pour les autres, pour contribuer pleinement à la société dans laquelle nous vivons. «L’entrepreneurship basé sur l’argent ou une certaine réalisation de soi demeure plaisant à court ou à moyen terme, explique-t-il. Mais plaisir n’égale pas bonheur. À long terme, il faut autre chose. […] Il faut viser le bonheur. Et pour viser juste, il faut savoir où regarder. » (p. 59) 

Pour étayer son affirmation, l’auteur s’appuie sur les recherches de Martin Seligman, professeur en psychologie de l’Université de Pennsylvanie et créateur de la psychologie positive, laquelle soutient que  l’être humain peut entraîner son esprit à percevoir le positif, et donc apprendre à se sentir significativement plus heureux. 

Ouellet expose les « cinq ingrédients du bonheur » répertoriés par Seligman dans un article intitulé « Can Happiness Be Taught? » et regroupés dans l’acronyme P.A.E.R.M. En quoi consiste donc la recette du bonheur? (p. 60-65)

  1. P pour plaisir : Les gens heureux profitent de la vie et n’hésitent pas à faire ce qu’ils aiment.
  2. A pour accomplissements : Atteindre ses objectifs, se sentir accompli et fier de soi sont d’importantes sources de bien-être.
  3. E pour engagement : S’engager dans une cause qui nous tient à coeur, contribuer à la réalisation d’un projet plus grand que soi font également partie des attitudes des personnes heureuses.
  4. R pour relations : Entretenir des relations authentiques et enrichissantes contribuent très significativement à accroître le bonheur, que ce soit avec les proches, mais aussi, avec les collègues et les employés. L’être humain a besoin de se sentir connecté aux autres.
  5. M pour meaning : Donner un SENS à sa vie. Consacrer son temps aux occupations et aux relations qui sont hautement signifiantes serait, selon Seligman, une façon durable d’atteindre le bonheur.

Pour l’entrepreneur, la qualité des relations qu’il développe avec son écosystème entrepreneurial de même que la contribution de son entreprise au bien-être commun sont des sources de bonheur bien plus durables que l’accomplissement personnel ou la rentabilité. Jean-François Ouellet n’hésite pas à l’affirmer : « Si vous faites sincèrement et authentiquement du bien aux gens vous n’aurez envie que d’une chose : en faire encore plus. Votre vie entrepreneuriale – sinon votre vie tout court  – aura alors un sens. » (p. 77)

Il faut donc sans tarder apprendre à nos étudiants à réfléchir à ce qui a du sens pour eux, à leurs valeurs, à ce qu’il considère comme important pour leur avenir et celui de notre société. C’est précisément le quatrième volet de la pédagogie entrepreneuriale : porter une réflexion sur ce qui motive nos actions et sur ce qui en découle.

AGIR sans tarder

Il est maintenant temps de d’aller de l’avant et de «passer outre la barrière de la terreur» (p. 202), cette fameuse peur qui nous prend aux tripes, paralysant nos élans les plus sincères. Ouellet relate ses propres expériences en affaires, qui lui ont fait comprendre « [qu’]on a beau planifier, le chemin est toujours parsemé de situations, d’opportunités et de défis qu’on n’avait pas anticipés.» (p.205) L’important est donc de se lancer et de s’entourer de collaborateurs qui ont des forces complémentaires aux nôtres.

Source : Pixabay

L’auteur dévoile aussi quelques stratégies fort utiles pour tester à peu de frais l’intérêt des consommateurs pour nos produits ou services, notamment l’utilisation d’une page web permettant de commander ou de réserver ceux-ci… avant même qu’ils n’existent. Si l’engouement des clients n’est pas au rendez-vous, on l’apprendra bien assez vite…

En somme, la réflexion de Jean-François Ouellet nous engage à miser sur un projet d’affaires correspondant réellement à notre identité et grâce auquel nous serons convaincu de contribuer à notre bien-être, mais surtout, à celui des autres. C’est de cette manière que l’on devient différent, « remarquable », pour reprendre le mot de l’auteur qui termine ainsi son plaidoyer :

« Gardez en tête que le bonheur est votre actif – et votre arme concurrentielle – le plus précieux. Votre travail, comme entrepreneur, consiste uniquement à nourrir ce bonheur. L’entretenir. Le défendre aussi. » (p. 220)

Pour ma part, un an après avoir vu cette conférence si inspirante, j’ai choisi de quitter, sans aucun regret, mon premier projet d’affaires, qui, au fond, n’avait rien à voir avec ma quête de bonheur et d’authenticité. Si je regarde froidement cette expérience, je serais portée à la considérer comme un échec qui a engendré de nombreux soucis et des pertes financières. Plusieurs apprentis entrepreneurs, jeunes et adultes, vont devoir s’y reprendre plusieurs fois avant de trouver ce qui les passionne vraiment. Ils rencontreront des échecs et devront se relancer. Mais justement, dans l’approche entrepreneuriale, l’échec est valorisé! C’est un enseignement. Nous sommes loin de la pédagogie traditionnelle.

À bien y penser, j’ai appris que l’adversité est sans doute à la source des plus grands apprentissages. Alors donnons-nous, et donnons aux étudiants, le droit à l’erreur, si cela peut nous aligner sur une voie plus signifiante et enrichissante. 

Références

Ouellet, Jean-François. Le Bonheur comme plan d’affaire: Oser entreprendre pour être heureux, Montréal, Les Éditions Transcontinental, 2014, 236 p.

Cité par Ouellet dans son ouvrage, p. 41-43 : Cardon, M.S. et autres. «The nature and experience of entrepreneurial passion», Academy of Management Review, vol. 34, no3, 2009, p. 30-31.   

Cités par Ouellet dans son ouvrage, p. 60-65 : Seligman, Martin E. P. « Can hapiness be taught? » Daedalus Journal, vol. 133, no2, printemps 2004, p. 80-87.

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