L’innovation pédagogique n’est pas juste une idée géniale! C’est aussi et surtout les actions qui en découlent. Pour innover en enseignement, il faut donc un brin d’audace! Mais pourquoi enseigner autrement lorsque la valeur de l’enseignement traditionnel est confirmée? Quels signaux créent l’urgence d’adapter les méthodes d’enseignement aujourd’hui?
Jean-David Rezaioff, conférencier à l’Événement éducation/entrepreneuriat du PEEC, le 7 novembre 2019, a attiré l’attention de quelque 60 intervenants entrepreneuriaux collégiaux sur le contexte d’enseignement actuel. Il a également partagé « 5 audaces » pour réussir l’innovation en pédagogique.
UN CONTEXTE MARQUÉ PAR DE NOUVELLES RÉALITÉS
Les changements qu’apporte le numérique sont constants, omniprésents et rapides. Les technologies émergentes et les grandes tendances mondiales entrent en collision et entraînent, par le fait même, des modifications au niveau social, environnemental, politique, économique, légal et organisationnel. Bien entendu, l’histoire est ponctuée de périodes de changement intenses, cependant, le niveau de complexité qui y est associé à l’ère numérique a aussi de grandes implications au niveau de l’éducation. Les jeunes et les moins jeunes ont un accès quasiment illimité à l’information, donc apprennent déjà autrement, d’où l’importance de remettre en question les méthodes traditionnelles d’enseignement et d’apprentissage formel.
UN TANTINET D’AUDACE
- Audace 1 : Refuser le cloisonnement des savoirs : On assiste aujourd’hui à une hyper segmentation des savoirs. Nous en voyons les effets notamment par les nombreuses expertises qui se déclinent des grandes professions, par exemple. Cependant, il ne faut pas confondre expertise et cloisonnement des savoirs. En effet, l’idée de cloisonnement renvoie à une vision partielle de la réalité, donc forcément faussée. L’ouverture et l’exploration des humanités sont des facteurs importants pour appréhender le monde dans sa globalité. Cela implique de renouer avec une approche transversale et plus universaliste des savoirs.
- Audace 2 : Renoncer à la posture affirmative de l’enseignement : L’idée d’une éducation réduite à l’enseignement de faits et de contenus basés sur des réalités dépassées limite à la fois l’enseignant et l’apprenant. Or, en matière de diffusion de contenu, les performances des plateformes supportées par les technologies de l’information sont supérieures aux capacités humaines. En revanche, une posture de questionnement, de compréhension et d’écoute permettra à l’enseignant de se démarquer parce que ces qualités typiquement humaines peuvent faciliter le développement chez l’apprenant des capacités qui outrepassent la simple appropriation de faits. L’enseignant joue en ce sens un rôle de déclencheur et de catalyseur.
- Audace 3 : Quitter la posture « autoritaire » de l’enseignement : Le savoir en-soi confère à l’enseignant une autorité, qu’il n’est cependant pas obligé de démontrer systématiquement. Pourtant, loin de posséder la science infuse, l’enseignant, dans sa posture traditionnelle, peut donner à tort ou à raison, l’impression de se « réfugier » derrière son contenu. En descendant de l’estrade, l’enseignant peut adopter une approche axée sur les relations et la coopération.
- Audace 4 : Refuser l’uniformisation de la formation et de l’évaluation : Enseigner, c’est tenir compte de l’individualisation de la relation enseignant-apprenant. Uniformiser la formation et l’évaluation, c’est dire à tort : « Tu es un génie », mais aussi « Tu es un idiot »! La reconnaissance de l’intelligence multiple est une voie sûre pour permettre à chaque apprenant de s’épanouir en misant sur ses propres forces et de sortir de la culpabilisation en raison de ses faiblesses
- Audace 5 : Discréditer la culture de la compétition : La compétition récompense toujours les mêmes, ceux qui ont le moins de difficultés. En réhabilitant les vertus de la coopération, on contribue automatiquement à créer l’esprit d’équipe et donc, à diminuer la propension à créer des élites sur la seule base des performances académiques.
DES INCIDENCES SUR L’ENSEIGNEMENT
Les 5 paradigmes énumérés plus haut peuvent contribuer à aider l’apprenant à changer de posture mentale. Le but ultime étant la réussite éducative, l’enseignant est dans une position privilégiée, soit d’aider l’apprenant à découvrir ce qu’il aime, ce pour quoi il est doué, comment être utile au monde et gagner sa vie. La réussite éducative passera probablement par le passage d’une approche centrée sur le contenu à une approche axée sur l’expérience d’apprentissage capable de déclencher des réactions émotionnelles. Concrètement, l’enseignement actuel devrait tendre vers :
- La requalification des modes et des environnements d’apprentissage,
- La conception de parcours individualisés multimodes,
- Plus d’expérimentations jusqu’à trouver les bonnes recettes pédagogiques.
En tant qu’enseignant, il faut avoir l’audace de prendre le risque de ne pas réussir tout de suite, car il faut aussi accepter que :
Il y a une fissure en toute chose. C’est ainsi que la lumière peut entrer.
Leonard Cohen
À propos du conférencier
Comptant plus de 25 ans d’expérience en développement d’affaires dans le domaine des technologies, tant au niveau national qu’international, Jean-David Rezaioff a notamment travaillé plusieurs années pour de grands groupes (Texas-Instruments, Technicolor, OM Group, Crossknowledge, etc.), avant d’entreprendre et d’investir dans des start-up du secteur des logiciels et d’Internet. Jean-David a notamment participé, pendant plusieurs années, au développement de l’industrie du E-learning en France.