Par Raymond Robert Tremblay, coach et consultant en gestion
Les cégeps n’occupent pas la place qu’ils pourraient en matière d’entrepreneuriat éducatif. Il existe pourtant – depuis des années – de nombreuses initiatives dans ce domaine, mais éparses et dispersées. Ce manque de concertation nuit au rayonnement de ces réalisations et il est remarquable de constater que depuis l’existence de concours comme Ose Entreprendre, on entend de plus en plus parler des accomplissements des cégépiens. Il est donc important d’accentuer ce mouvement de concertation.
À Québec, le 3 mai dernier, quinze cégeps ont annoncé qu’ils se sont regroupés au sein du Projet d’éducation entrepreneuriale au cégep, le PEEC. Ils ont ainsi décidé de mettre leurs ressources en commun afin de développer et partager leur expertise dans ce domaine. En encourageant les activités à valeur entrepreneuriale, tant scolaires que parascolaires, ces cégeps assument leur mission éducative tout en contribuant au développement socioéconomique dans les régions du Québec.
Les jeunes et les adultes qui participent à ces activités développent leurs compétences entrepreneuriales. Ainsi ces cégeps contribuent au déploiement de la culture entrepreneuriale, en faisant la promotion des valeurs et des attitudes propres aux personnes entreprenantes. Ils se situent ainsi comme des pépinières d’entrepreneurs en devenir, en complémentarité avec les intervenants économiques.
Dominique Brown, dernier à droite de l'image, multi entrepreneur et fondateur des Chocolats Favoris, lors d’un 5 à 7 au cégep Limoilou, venu inspirer les jeunes entrepreneurs participant au programme d’entrepreneuriat-études. Au centre, à l'arrière, Valérie Huppé, responsable du programme.
La diversité des interventions des cégeps en ce domaine est remarquable : le programme d’entrepreneuriat-études au Cégep Limoilou, le codéveloppement pour entrepreneurs à La Zone entrepreneuriale du Cégep de Trois-Rivières, le centre de formation et lieu de travail collaboratif pour entrepreneurs créatifs à Montréal ICMTL – une initiative conjointe du Collège Dawson et du Cégep du Vieux Montréal – ne sont que quelques exemples de ce foisonnement. Ce dernier projet est spécialement impressionnant: c’est le collège Dawson qui a développé l’AEC en entrepreneuriat créatif et culturel et la première cohorte finira dans 2 semaines. À l’automne ce programme innovateur sera offert dans les deux langues.
Grâce au soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, ces initiatives pourront être déployées plus largement jusqu’en 2019 pour la phase d’implantation. Complétant le dispositif déjà présent dans les commissions scolaires ainsi que dans les universités, les cégeps peuvent désormais offrir une continuité d’expérience, tant pour les étudiants se destinant au marché du travail que pour ceux qui poursuivront leurs études supérieures à l’université.
Les membres de Vision C3R, du cégep de Trois-Rivières, qui ont participé au colloque de l’ACEE. Sur la photo de droite à gauche : Mme Stéphanie Blais, Pierre Potvin, Rémi Pelchat, Jade Routhier, David Cloutier, Charlie Turgeon, Gabrielle Samson, Virginie Maltais-Marien, Maude Charbonneau, et Benjamin Gauthier.
Par exemple, Sara-Jeanne Bouchard a bénéficié du programme du cégep Limoilou pour se lancer en affaires. Au début de la vingtaine, elle a déjà douze employés à la Bûche glacée de Beauport, son entreprise. Elle a déclaré au journal Mon Emploi : « Cela a été très motivant de parler avec des gens qui ont vécu des hauts et des bas. J’ai participé au concours Propulse ton idée d’affaires au Cégep Limoilou et j’ai gagné. J’ai pu rencontrer Dominique Brown de Chocolats Favoris, le leader dans mon domaine. » Ce soutien aux jeunes ne vise pas forcément à les transformer tous en entrepreneurs privés ou collectifs, mais à permettre l’apprentissage et la mise en œuvre d’attitudes propres aux personnes entreprenantes, qui peuvent ensuite s’actualiser aussi bien par la mise en place de projets ou par l’intrapreneuriat.
La volonté d’entreprendre des jeunes de 18 à 34 ans a augmenté de plus de 5 points entre 2015 (36,6%) et 2016 (42,2%), selon la Fondation de l’entrepreneurship. Les cégeps ont certainement la responsabilité d’appuyer ce mouvement et d’outiller ceux et celles qui, sous diverses formes et dans de nombreux domaines, souhaitent innover et transformer leurs rêves en réalisations concrètes.
Les membres de C3 Estrie ont présenté leurs services devant une cinquantaine de représentants d’entreprises de la région. De gauche à droite : Alexandre Bilodeau, directeur général, Pascal Marcotte, mentor, Martin Lambert, président du conseil d'administration de l’entreprise étudiante et directeur des Services aux étudiants au Cégep de Sherbrooke, Chad Lubelsky, partenaire de la fondation de la Famille J.W. McConnell, Benjamin Benoît, responsable du service évènementiel, Samuel Benoît, directeur des ressources humaines, Chloé Péloquin, adjointe à la comptabilité et Élodie Gravel, directrice des opérations.
Le mouvement en faveur de l’éducation à l’entrepreneuriat est là pour rester et prendra certainement de l’envergure dans les années à venir. D’une part, il répond au besoin d’innovation pour une économie qui doit se diversifier et proposer de nouvelles solutions. De plus, les PME sont à l’origine de nombreux nouveaux emplois chaque année : «Entre 2010 et 2016, 42 % des nouveaux emplois ont été créés par des entreprises de moins de 100 employés, ce qui correspond à une hausse de 30 % entre 2000 et 2010», selon Benjamin Tal, économiste en chef adjoint à la Banque CIBC. En outre, selon Statistiques Canada, les PME emploient plus de 90% des gens qui travaillent au secteur privé. Le besoin de reprise d’entreprises est criant avec le départ à la retraite des baby-boomers. Pour toutes ces raisons, les cégeps ont donc une mission à accomplir dans ce domaine.
Le repreneuriat, encouragé tout autant par le Fonds de solidarité FTQ que par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain.
Les acteurs du développement économique sont de plus en plus sensibles à cette contribution. En effet, où trouve-t-on le plus grand nombre d’entrepreneurs potentiels, sinon parmi les diplômés des établissements scolaires? Plusieurs finissants de l’enseignement technique prennent aujourd’hui conscience qu’ils devront créer leurs emplois. En développant les qualités requises pour devenir entrepreneurs, les cégeps proposent une alternative intéressante à la recherche d’emploi traditionnelle, qui se solde souvent par la désertion des régions par les jeunes. Ce sera l’objet d’une prochaine chronique.
Quelques références
Mon Emploi : http://www.monemploi.com/magazines/l-entrepreneuriat-faire-carriere-autrement-6-6
Le site web du PEEC : https://www.peeceducation.org
Présentation générale du PEEC : https://www.peeceducation.org/wp-content/uploads/2017/01/PEEC-pr%C3%A9sentation-g%C3%A9n%C3%A9rale.pdf
La Fondation de l’entrepreneurship, maintenant renommée le Réseau M : https://www.reseaum.com/
Le repreneuriat, http://www.soyezlareleve.ca/decouvrez-le-repreneuriat/
Les PME championnes de la création d’emploi, conseillerPME.ca, 26 avril 2017 : http://www.conseiller.ca/pme/nouvelles/les-pme-championnes-de-la-creation-demploi-29075
Gouvernement du Canada, Principales statistiques relatives aux petites entreprises – Juin 2016 : http://www.ic.gc.ca/eic/site/061.nsf/fra/h_03018.html