Par Raymond-Robert Tremblay
À l’occasion d’une chronique qui semble avoir été peu remarquée, Alexandre Taillefer, célèbre entrepreneur en série québécois, définit avec beaucoup de transparence ce qui lui semble être la responsabilité sociale des entreprises : « Il y a moyen d’innover socialement en imposant des balises au capitalisme pour s’assurer que les entreprises prennent en considération non seulement leurs actionnaires, mais aussi leurs employés, leurs clients et l’environnement; bref, la société dans son ensemble. Un peu moins de liberté corporative pour un peu plus de solidarité. »
Alexandre Taillefer
On a pu voir l’entrepreneur Peter Simons au côté des responsables politiques du parti de gauche Québec solidaire, pour réclamer une meilleure équité fiscale pour les entreprises canadiennes, spécialement dans le contexte du commerce en ligne. Amir Khadir de son côté faisait le lien entre la justice fiscale et le financement des services publics, selon lui menacé par les grandes entreprises étrangères qui ne paient pas leur juste part au gouvernement. Précédemment ce même Peter Simons avait déploré que des entreprises GAFA utilisent nos infrastructures « sans en assumer les responsabilités ».
J’ai déjà écrit que l’entrepreneuriat éducatif collégial doit être soutenu par des valeurs fortes qui puissent guider notre action. L’équité, l’innovation et la solidarité en font partie. Loin d’être préoccupés uniquement par leurs profits, messieurs Taillefer et Simons sont aussi préoccupés des conditions de travail de leurs employés et de révolution technologique, d’environnement et des retombées de leurs activités. Lorsque les établissements d’enseignement supérieur forment ou animent la nouvelle génération d’entrepreneurs, elle le fait avec ces préoccupations.
Biographie de Steve Jobs
À force de vanter les prouesses technologiques, financières et de mise en marché d’un Steve Jobs, par ailleurs remarquables, il ne faut pas oublier que ce dernier était un patron exécrable qui n’hésitait pas à insulter son personnel lorsqu’il était mécontent de sa performance. Il ne faut pas non plus oublier que cette entreprise, Apple, fait tout pour soustraire ses profits en les camouflant tout à fait légalement dans des paradis fiscaux.
Nous parlons ici d’un équilibre délicat, c’est certain. Mais le développement de la pensée critique des jeunes ne saurait se contenter de raccourcis faciles. On peut reconnaître à la fois que le mouvement entrepreneurial est absolument nécessaire pour créer de la richesse et innover et que les entreprises doivent se préoccuper de développement durable, d’équité sociale et d’une gestion humaine du personnel. Pourquoi serait-ce contradictoire?
En ce sens, l’enseignement collégial qui vise à former des travailleurs, des travailleuses, et des étudiants universitaires compétents, cherche aussi à leur faire acquérir des attitudes socialement responsables comme citoyens, citoyennes, et comme entrepreneurs, le cas échéant. Pourquoi devrait-on choisir?
Pierre Fortin au cégep Gérald-Godin
L’économiste Pierre Fortin, écrit : « … les cégeps répondent aux multiples besoins des entreprises locales. Beaucoup de profs de cégep ne comptent pas les heures qu’ils passent à aider nos entreprises à résoudre leurs problèmes pratiques de formation, de technologie, de production ou de finance. » Ainsi, les cégeps sont déjà, et de multiples manières, des acteurs économiques régionaux importants, sans compter l’impact des Centres collégiaux de transfert technologique. Ajouter un volet entrepreneurial à ce dispositif ne saurait qu’être favorable à la rétention de la jeune main-d’œuvre qualifiée en région. Cet ajout prendra différentes formes, relatives aux caractéristiques propres de la région et du collège, justement. Cependant, aucune n’échappe aux besoins :
- D’une main-d’œuvre qualifiée.
- D’une relève entrepreneuriale.
- D’innovation entrepreneuriale.
- D’innovation sociale.
Le cégep Limoilou appuie les initiatives environnementales
Les collèges sont très bien placés pour répondre à ces besoins et soutenir les efforts de chaque milieu. Espérons que le mouvement entrepreneurial saura s’appuyer sur des exemples positifs, tels que ceux cités ici, qui incarnent à la fois le dynamisme entrepreneurial et la conscience sociale.
Références
Alexandre Taillefer, Voir, 12 avril 2017, «Être solidairement lucide», https://voir.ca/chroniques/de-la-main-gauche/2017/04/12/etre-solidairement-lucide/
Louis Gagné, Radio-Canada, 1 novembre 2017, «Amir Khadir et Peter Simons unis pour l’équité fiscale des entreprises», http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1064684/commerce-en-ligne-peter-simons-amir-khadir-assemblee-nationale
Alexandre Sirois, La Presse, 5 mars 2017, « L’effet gruyère », http://www.lapresse.ca/debats/editoriaux/alexandre-sirois/201703/04/01-5075687-leffet-gruyere.php
Walter Isaacson, 2011, Steve Jobs, JC Lattès.
Elsa Trujillo, Le Figaro, 7 novembre 2017, « Paradise papers » : Apple accusé d’avoir dissimulé 128 milliards de dollars. http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2017/11/07/32001-20171107ARTFIG00128-paradise-papers-apple-accuse-d-avoir-dissimule-128-milliards-de-dollars-dans-un-paradis-fiscal.php
Pierre Fortin, 11 août 2014, L’Actualité, «Les cégeps : un gros plus, Uniques en Amérique du Nord, nos cégeps encouragent la persévérance scolaire et le développement économique régional», http://lactualite.com/societe/2014/08/11/les-cegeps-un-gros-plus/