J’étais en route vers Lévis pour assister au 2e congrès automnal en éducation entrepreneuriale consciente, qui s’est tenu les 24 et 25 octobre 2019. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre et deux questions me revenaient constamment en tête. D’une part, quel sens donnait-on au mot « conscience » dans le contexte de l’entrepreneuriat éducatif? Et d’autre part, en quoi cela était-il lié à l’éducation entrepreneuriale au collège?
Pour moi, et pour mon collègue Louis Gosselin à qui j’ai osé partager mes interrogations une fois arrivée, le rapprochement entre l’entrepreneuriat et la conscience n’allait pas de soi. J’étais donc particulièrement curieuse d’en apprendre davantage et laissez-moi vous dire que je n’ai pas été déçue!
En arrivant au Centre de congrès et d’expositions de Lévis, j’ai d’abord été impressionnée par la foule : plus de 300 intervenants du monde de l’éducation – enseignants, professionnels et directions – étaient réunis pour prendre part à l’événement créé par Rino Lévesque et son équipe d’Idée Éducation Entrepreneuriale. Une grande réussite pour le père de l’école communautaire entrepreneuriale (ECE), qui rêve de révolutionner les écoles et milite en ce sens depuis plus de 20 ans!
Quelle est donc la spécificité des écoles communautaires entrepreneuriales?
Aujourd’hui implantées au Québec, au Nouveau-Brunswick et dans plusieurs pays de la francophonie, les ECE ont pour mission de sensibiliser les élèves du primaire et du secondaire à un entrepreneuriat qui s’ancre dans le développement de la personne, le mieux-être de la collectivité et la survie de nos écosystèmes.
Dans un mémoire présenté au ministère de l’Économie et de l’Innovation en février 2011, Rino Lévesque expliquait que « l’approche pédagogique et éducative en entrepreneuriat conscient (APEEC) constitu[ait] la principale valeur ajoutée des ECE. Ainsi, chaque jeune [est-il appelé à] développer progressivement les compétences de s’entreprendre, d’entreprendre et de créer l’innovation de façon consciente, responsable et autonome. Ce système-école éduque et forme notamment à la conscience de l’impact de son mode d’entrepreneuriat sur les autres et sur la nature. » Référence : http://rccfc.ca/congres_11/2011-03_Ecole_communautaire_Rino-Levesque.pdf
À terme, l’objectif est que ces jeunes deviennent des citoyens conscients des nombreux enjeux auxquels l’humanité fait face et qu’ils soient capables d’agir pour le bien commun. Même si la structure de ce système n’est pas directement transférable au niveau collégial, il mérite qu’on s’en inspire, car la mission des cégeps est aussi – et peut-être surtout – de former de futurs citoyens aptes à entreprendre leur vie selon leurs valeurs, en étant conscients de leur communauté et de leur planète. De plus, les étudiants actuels sont fortement en quête de sens et prennent très au sérieux les enjeux environnementaux. Il est donc tout indiqué de leur proposer des modèles d’entrepreneuriat durable et responsable.
Revenons au congrès… question de s’inspirer!
Qu’ont en commun la passion, l’audace et la mission de sauvetage des fruits et légumes rejetés de ce monde? Julie Poitras-Saulnier et David Côté, les co-fondateurs de Loop Mission. Ces deux entrepreneurs ont raconté leur histoire lors de la conférence d’ouverture du congrès et ce fut pour moi, une révélation…
Savez-vous quelle proportion des aliments sont jetés plutôt que consommés, ici, au Canada? 56 % Effarant, n’est-ce pas? C’est également ce que Julie, David et leurs acolytes se sont dits. Ils ont alors décidé de donner une seconde chance aux aliments encore parfaitement comestibles, mais rejetés à cause des standards extrêmement élevés des consommateurs. Tout le concept de Loop mission se fonde sur l’économie circulaire (par opposition à l’économie linéaire) qui consiste à utiliser des matières premières existantes pour créer de nouveaux produits ou de nouveaux processus de fabrication.
Ce qui me fascine dans ce projet, c’est non seulement l’ingéniosité des entrepreneurs qui transforment des pertes (celles des grands entrepôts de fruits et légumes et des producteurs locaux) en revenus, mais aussi la cohérence du marketing mis en place pour nous faire adhérer à la mission. Ici, le fameux storytelling devient de l’art et se décline à tous les niveaux : textes, images et vidéos.
En présentant avec humour et simplicité les faits et les valeurs qui sous-tendent leurs actions, l’équipe de Loop Mission donne réellement envie au consommateur d’adhérer à son grand sauvetage et de vouloir à son tour y contribuer. Vous voyez, même l’image ci-dessous, la première qu’on voit en arrivant sur le site web de Loop Mission, présente les jus comme de petits héros colorés dans un monde de géant.
Pour reprendre les mots de David Côté, « le marketing de demain, c’est d’être une entreprise consciente et agissante. [On a mis ce projet sur pied parce qu’]on SAIT que c’est la bonne chose à faire ! » Et tout semble lui donner raison, y compris les chiffres, ce qu’il ne faut jamais négliger en affaires. Le célèbre principe de Lavoisier (1743-1794) prend ici tout son sens: « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ».
Nous avons tous besoin de héros!
Maintenant, comment stimuler vos étudiants à entreprendre, tout en étant conscients des impacts de leur projet sur la communauté et l’environnement?
Présentez-leur des modèles inspirants. Loop Mission est une cible de choix, non seulement pour illustrer les principes de l’économie circulaire, la force de la proposition de valeur et la richesse du marketing de contenu, mais aussi pour démontrer l’aventure humaine qu’est toute démarche entrepreneuriale. En effet, Julie Saulnier-Poitras et David Côté mettent en scène leur vie d’entrepreneurs dans une web série qu’on peut suivre sur la chaîne Youtube de l’entreprise et croyez-moi, on n’y voit pas que les aspects positif!
Demandez à vos étudiants de faire une recherche ou une entrevue avec l’entrepreneur(e) de votre région qui les inspire le plus, que ce soit pour ses qualités de leader, pour les particularités de son projet d’affaires ou pour toutes autres raisons. L’important est qu’ils y trouvent une source de motivation et d’admiration.
Amenez-les à faire ressortir les valeurs de l’entreprise et sa responsabilité sociale. S’il ne s’agit pas d’une entreprise axée sur le développement durable, proposez aux étudiants de trouver des moyens grâce auxquels elle pourrait le devenir. Par exemple, la compagnie québécoise ALDO est devenue, en 2018, « la première entreprise de l’industrie de la chaussure et des accessoires mode au monde à être certifiée carboneutre. » La compagnie explique en détails sur son site web le processus qu’elle a entrepris dès 2013 pour faire sa part. Vous en apprendrez plus en cliquant ici !
Offrez à vos étudiants la possibilité de mieux se connaître et de réaliser quelles sont les valeurs fondamentales qui motivent leurs décisions et leurs actions. Pour ce faire, demandez-leur de lire l’article intitulé Les valeurs, une contrainte ou une motivation ? À vous de choisir. En plus d’expliquer clairement ce qu’est une valeur, l’auteur propose un « mini-coaching » qui vous orientera dans la création d’une séquence pédagogique stimulante et signifiante. Le but est d’aider vos étudiants à s’entreprendre en étant conscients d’eux-même et de l’impact qu’ils souhaitent avoir.
Et si, finalement, l’entrepreneuriat était d’abord et avant tout une affaire de conscience ? Conscience de soi, de l’autre dans toute sa différence, de la nature qui nous entoure et sans laquelle nous ne serions rien… Après deux jours d’échanges et de découvertes, j’ai quitté le congrès dans un état d’espoir à peine descriptible. Côtoyer des leaders du monde de l’éducation prêts à agir ensemble pour activer le changement et éduquer nos jeunes à l’esprit d’entreprendre, m’a littéralement transportée. Le mouvement est en marche, mes amis, et il n’est pas prêt de s’arrêter!
